Le vapotage est-il mieux toléré que la cigarette dans l’espace public ?

La cigarette électronique, apparue sur le marché français au début des années 2010, a progressivement modifié le paysage du tabagisme en France. Alors que la cigarette traditionnelle fait l'objet de restrictions croissantes dans l'espace public depuis la loi Évin de 1991, le vapotage a bénéficié pendant plusieurs années d'un vide juridique avant d'être encadré par des dispositions spécifiques. Cette différence de traitement soulève des questions sur l'acceptabilité sociale respective de ces deux pratiques. Entre perceptions sanitaires, réglementations évolutives et habitudes sociales, le vapotage jouit-il réellement d'une meilleure tolérance que la cigarette classique dans les espaces partagés ? L'examen des cadres législatifs, des études scientifiques comparatives et des attitudes sociales permet d'éclairer cette question qui concerne aujourd'hui plus de 3 millions d'utilisateurs réguliers de cigarette électronique en France.

Évolution législative du vapotage et de la cigarette en france

La France a progressivement renforcé sa législation anti-tabac depuis les années 1970, avec une accélération notable à partir de la loi Évin de 1991. Cette loi fondatrice a posé les bases d'une restriction forte du tabagisme dans les lieux publics, avant d'être considérablement renforcée en 2007-2008 avec l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics fermés. Ces mesures ont profondément modifié les comportements sociaux liés au tabagisme, reléguant les fumeurs à l'extérieur des bâtiments.

Contrairement à la cigarette traditionnelle, la cigarette électronique a bénéficié pendant plusieurs années d'un vide juridique. Ce n'est qu'en 2017, avec le décret n°2017-633 du 25 avril 2017 , que le vapotage a été formellement réglementé dans certains espaces publics. Ce décret interdit l'usage de la cigarette électronique dans les établissements scolaires, les transports en commun fermés et les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif.

Cette différence chronologique dans la mise en place des restrictions a contribué à une perception distincte des deux pratiques. Alors que le tabagisme traditionnel est associé à des interdictions strictes et anciennes, le vapotage bénéficie d'une réglementation plus récente et moins étendue. Par exemple, il n'est pas formellement interdit de vapoter dans un restaurant ou un bar, sauf si le règlement intérieur de l'établissement le précise explicitement.

Cette disparité réglementaire s'explique en partie par la différence de perception des risques sanitaires associés aux deux pratiques. Si les dangers du tabagisme passif sont scientifiquement établis depuis des décennies, ceux liés à l'exposition passive aux aérosols de cigarette électronique font encore l'objet de recherches et ne sont pas considérés comme équivalents par les autorités sanitaires.

Décret n°2017-633 du 25 avril 2017 sur le vapotage en entreprise

Le décret de 2017 constitue la première réglementation spécifique concernant l'usage de la cigarette électronique dans l'espace public en France. Ce texte stipule précisément qu'il est interdit de vapoter dans les lieux fermés et couverts à usage collectif, notamment dans les espaces de travail partagés, les salles de réunion, ou encore les espaces de circulation commune des entreprises.

Cette réglementation a obligé les entreprises à adapter leur règlement intérieur pour prendre en compte ce nouveau cadre légal. Toutefois, contrairement à la cigarette traditionnelle, le vapotage reste autorisé dans les bureaux individuels, créant ainsi une distinction nette entre les deux pratiques. Cette nuance témoigne d'une approche différenciée des autorités vis-à-vis du vapotage, considéré comme moins nocif pour l'entourage.

Les sanctions prévues en cas d'infraction diffèrent également : alors que fumer dans un lieu public peut entraîner une amende de 68 euros pouvant aller jusqu'à 450 euros, vapoter dans un espace interdit expose à une contravention de troisième classe, avec une amende forfaitaire de 68 euros pouvant atteindre 150 euros. Cette différence de traitement souligne une hiérarchisation des risques perçus.

L'application du décret de 2017 révèle une approche graduée de la puissance publique qui, sans banaliser le vapotage, reconnaît implicitement une différence de nature et d'impact entre cigarette électronique et tabac combustible.

Application de l'interdiction dans les transports publics RATP et SNCF

L'application de l'interdiction de vapoter dans les transports publics illustre parfaitement les difficultés d'harmonisation des pratiques. Dès 2013, soit quatre ans avant le décret national, la RATP avait déjà interdit l'usage de la cigarette électronique dans ses installations, anticipant la réglementation nationale. La SNCF a suivi une démarche similaire, interdisant progressivement le vapotage dans ses trains et gares.

Aujourd'hui, la signalétique spécifique au vapotage reste souvent moins visible que celle concernant l'interdiction de fumer. Dans de nombreuses gares, on observe une signalisation anti-tabac omniprésente, alors que les mentions relatives à l'interdiction de vapoter sont plus discrètes, voire absentes dans certains espaces. Cette différence de traitement visuel contribue à une perception confuse des règles applicables.

Les politiques de contrôle reflètent également cette différenciation. Les agents de la RATP et de la SNCF semblent appliquer les sanctions avec plus de rigueur concernant le tabagisme traditionnel que le vapotage. Cette application variable des règles renforce l'impression d'une plus grande tolérance sociale envers la cigarette électronique dans les transports publics.

Zones grises réglementaires : terrasses couvertes et semi-ouvertes

Les terrasses de cafés et restaurants représentent une zone grise réglementaire particulièrement révélatrice des différences de traitement entre cigarette traditionnelle et électronique. Selon la législation actuelle, il est interdit de fumer sur les terrasses fermées, mais cette interdiction ne s'applique pas explicitement au vapotage, sauf mention contraire dans le règlement de l'établissement.

Cette situation crée des espaces où le vapotage est toléré alors que la cigarette traditionnelle y est proscrite, renforçant la perception d'une hiérarchie dans l'acceptabilité sociale des deux pratiques. La définition même de "terrasse couverte" fait l'objet d'interprétations variables, créant une application hétérogène des règles sur le territoire.

Les établissements eux-mêmes adoptent des politiques diverses, certains autorisant explicitement le vapotage sur leurs terrasses couvertes tout en interdisant la cigarette, d'autres appliquant la même interdiction aux deux pratiques. Cette disparité contribue à une confusion générale sur les espaces où le vapotage est autorisé ou non.

Disparités d'application entre grandes villes et zones rurales

L'application des réglementations relatives au vapotage varie considérablement selon les territoires. Dans les grandes métropoles comme Paris, Lyon ou Marseille, les contrôles tendent à être plus fréquents et les établissements plus au fait des réglementations en vigueur. Les espaces sans tabac et sans vapotage y sont clairement identifiés et délimités.

En revanche, dans les zones rurales ou les petites villes, on observe une application plus souple des restrictions, tant pour la cigarette traditionnelle que pour la cigarette électronique. Cette disparité territoriale renforce l'impression d'une réglementation à géométrie variable, où l'acceptabilité du vapotage dépend fortement du contexte géographique et social.

Les initiatives locales jouent également un rôle important dans cette disparité. Certaines municipalités ont mis en place des arrêtés interdisant le vapotage dans des espaces spécifiques comme les aires de jeux pour enfants ou les abords des écoles, allant au-delà de la réglementation nationale. Ces initiatives locales créent une mosaïque réglementaire complexe à appréhender pour les utilisateurs de cigarette électronique.

Perception sociale comparative : tabagisme traditionnel vs vapotage

La perception sociale du vapotage diffère significativement de celle du tabagisme traditionnel, influençant directement leur acceptabilité respective dans l'espace public. Alors que le fumeur de cigarettes traditionnelles est souvent perçu négativement, associé à des nuisances olfactives et à des risques sanitaires pour l'entourage, le vapoteur bénéficie généralement d'une image moins négative, notamment en raison de l'absence d'odeur tenace et de la perception d'un moindre risque pour l'entourage.

Cette différence de perception s'observe particulièrement dans les interactions sociales quotidiennes. Demander à un vapoteur de cesser son activité dans un lieu où elle n'est pas explicitement interdite suscite souvent des réactions différentes de celles observées avec un fumeur traditionnel. Les non-fumeurs semblent plus enclins à tolérer le vapotage à proximité que la fumée de cigarette, même si cette tolérance varie considérablement selon les individus et les contextes.

Les médias et les campagnes de santé publique ont également contribué à façonner cette perception différenciée. Alors que la cigarette traditionnelle fait l'objet de messages préventifs explicitement négatifs, la cigarette électronique est souvent présentée sous un jour plus nuancé, parfois même comme un outil potentiel d'aide au sevrage tabagique. Cette représentation médiatique influence indéniablement la perception collective des deux pratiques.

Enquête IPSOS 2022 sur l'acceptabilité sociale du vapotage

L'enquête IPSOS réalisée en 2022 pour le compte de France Vapotage révèle des données significatives sur l'acceptabilité sociale comparative entre cigarette électronique et tabac traditionnel. Selon cette étude, 68% des Français considèrent le vapotage comme moins gênant que la cigarette traditionnelle dans les espaces publics, principalement en raison de l'absence d'odeur persistante et de la perception d'un moindre impact sur l'entourage.

Plus révélateur encore, 42% des non-fumeurs et non-vapoteurs interrogés déclarent être indifférents à la présence d'un vapoteur à proximité, contre seulement 17% pour un fumeur de cigarette traditionnelle. Cette différence majeure souligne la distinction nette établie par l'opinion publique entre les deux pratiques.

L'étude met également en lumière une corrélation entre le niveau de connaissance des dispositifs de vapotage et leur acceptabilité : les personnes les plus informées sur le fonctionnement des cigarettes électroniques tendent à manifester une plus grande tolérance à leur égard. Cette corrélation suggère que l'éducation du public pourrait influencer positivement l'acceptabilité sociale du vapotage.

Stigmatisation des fumeurs depuis la loi évin de 1991

Depuis l'adoption de la loi Évin en 1991 et son renforcement en 2007-2008, on observe une stigmatisation croissante des fumeurs de cigarettes traditionnelles dans l'espace public français. Cette évolution sociétale se manifeste par des comportements d'évitement, des regards désapprobateurs et parfois des remarques explicites adressées aux fumeurs.

Cette stigmatisation a progressivement modifié les comportements des fumeurs eux-mêmes, qui intériorisent souvent ce regard social négatif. Nombreux sont ceux qui déclarent ressentir une forme de culpabilité ou de gêne lorsqu'ils fument en public, sentiment rarement exprimé par les vapoteurs. Cette différence d'expérience subjective influence considérablement le rapport à l'espace public des deux groupes.

Les vapoteurs, notamment ceux ayant précédemment fumé des cigarettes traditionnelles, témoignent fréquemment d'un changement dans le regard que les autres portent sur eux depuis leur transition vers la cigarette électronique. Cette modification du statut social perçu constitue d'ailleurs un facteur motivationnel important pour certains ex-fumeurs qui choisissent le vapotage comme alternative.

Impact des campagnes "mois sans tabac" sur l'image publique du vapotage

Les campagnes nationales comme "Mois sans tabac", lancées depuis 2016, ont contribué à façonner différemment l'image publique du vapotage et du tabagisme traditionnel. Alors que ces initiatives visent principalement à réduire la consommation de cigarettes traditionnelles, elles ont indirectement influencé la perception du vapotage, parfois présenté comme une alternative potentielle dans le cadre d'une démarche de réduction des risques.

Dans ces campagnes, la cigarette électronique occupe une position ambivalente : jamais ouvertement promue comme solution idéale, elle n'est pas non plus stigmatisée au même niveau que le tabac combustible. Cette position intermédiaire dans le discours officiel de santé publique contribue à maintenir une distinction nette entre les deux pratiques dans l'imaginaire collectif.

L'impact de ces campagnes se mesure également dans l'évolution du langage courant : alors que le terme "fumeur" conserve une connotation largement négative, le néologisme "vapoteur" reste relativement neutre dans le discours public. Cette distinction sémantique reflète et renforce la différence de perception sociale entre les deux pratiques.

Témoignages des utilisateurs dans les espaces communs urbains

Les témoignages d'utilisateurs de cigarettes électroniques dans les espaces urbains révèlent des expériences contrastées selon les contextes. Dans les grandes villes comme Paris, de nombreux vapoteurs rapportent une tolérance variable mais généralement plus élevée que celle accordée aux fumeurs traditionnels. La nature intermittente et moins visible du vapotage contribue à cette différence de traitement.

Les interactions sociales rapportées par les vapoteurs confirment cette tendance. Nombreux sont ceux qui déclarent avoir rarement fait l'objet de remarques négatives lorsqu'ils vapotent dans des zones où la pratique n'est pas explicitement interdite, comme certains espaces extérieurs partagés. Cette expérience contraste nettement avec celle des fumeurs traditionnels, plus fréquemment confrontés à des réactions d'inconfort ou de désapprobation.

Toutefois, cette acceptabilité accrue n'est pas universelle et varie considérablement selon les milieux sociaux et les espaces urbains considérés. Les témoignages suggè

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